La kinésithérapie GDS et la prévention en sport

Patrice GRUETDossiers3 Commentaires

Olivier Dautigny, kinésithérapeute méthode GDS et Mézière, intervenant auprès des DESJEPS Tennis

Comment la méthode de kinésithérapie GDS peut aider les éducateurs sportifs et les entraineurs dans la prévention des risques de blessure.

Nous vous proposons de découvrir avec Olivier Dautigny, kinésithérapeute, les applications de la méthode GDS dans l’encadrement de la pratique sportive. Olivier Dautigny pratique les méthodes Mézières et GDS, qui se démarquent de la kinésithérapie « classique ». Il étudie également la biomécanique du corps humain, pour l’appliquer notamment au domaine sportif. Découvrez les grands axes de la méthode GDS, basée sur la définition de 6 types de postures et son éclairage sur le rôle du kiné auprès des sportifs.

Interview d’Olivier Dautigny

Trans-Faire : Pouvez-vous nous expliquer les principes de la méthode de kinésithérapie GDS ?

Olivier Dautigny : L’idée est de s’intéresser non seulement à la gestuelle mais aussi à des aspects plus globaux. Il s’agit de prendre en compte le patient et son environnement, ses activités professionnelles et scolaires. Je leur demande par exemple de prendre des photos de leur lieu de travail afin de pouvoir agir au mieux sur le plan ergonomique. Il s’agit de voir avec les patients ce qui peut être fait pour améliorer leur bien-être. C’est une méthode de kinésithérapie qui va à la fois dans le sens du curatif et du préventif, qui ne vont pas l’un sans l’autre selon moi.

TF : Quelle est la principale différence de la kinésithérapie GDS avec la kinésithérapie dite «classique» ?

OD : En kiné classique, on a tendance à faire un travail très segmentaire : pour la rééducation d’un coude, on ne s’occupera que du coude. On aura tendance à utiliser le traditionnel massage transversal profond, étirements ou autres ultrasons. C’est évidemment très bien mais cela ne suffit pas. Quelqu’un qui a un problème au niveau du coude, utilisera moins son membre supérieur, prendra des habitudes antalgiques pouvant être néfaste pour d’autres articulations comme l’épaule et du coup modifier l’ensemble de la posture de son corps. De la même façon, si on utilise moins son membre malade, on utilisera majoritairement d’autres membres pour pallier le déséquilibre, ce qui peut entrainer des asymétries jusqu’au bassin. J’interviens ainsi en observant les compensations liées à une pathologie.

TF : Pouvez-vous nous parler de votre pratique ?

OD : J’utilise les méthodes de la kinésithérapie classique qui représentent un très vaste éventail de techniques : de la mobilisation articulaire jusqu’au massage en passant par le renforcement, les levées de tension et les techniques posturales. Il n’y a pas forcement de spécificités dans les méthodes à proprement parler. Il n’existe pas de séance standard qui conviendrait au plus grand nombre.

TF : Continuez-vous à vous former régulièrement?

OD : Je suis régulièrement des formations pour approfondir mes connaissances et surtout pour mieux les transmettre : d’abord aux patients, car on ne peut pas soigner quelqu’un sans sa participation. Plus les patients ont une bonne connaissance de leur anatomie et de leur physiologie, mieux ils peuvent se soigner par eux même. J’essaye également grâce à la prévention de leur enseigner les risques qu’ils peuvent encourir selon les positions ou les gestes faits de façons répétées. L’idée est de partir de la physiologie du patient, son style propre pour lui proposer des exercices adaptés.

TF : Quel est le rôle la biomécanique dans votre travail?

OD : C’est la base de mon travail. L’idée est de réaliser, lors de la première séance, un diagnostic complet à l’aide de questions précises et d’examen clinique poussé : observer chaque segment du corps et la posture générale. Il existe plusieurs typologies dominantes que l’on retrouve d’un patient à l’autre. Il faut les corréler à ce qu’on remarque au niveau segmentaire. L’essentiel de cette première séance est d’analyser comment le patient s’est organisé dans l’espace. La biomécanique permet de comprendre les interactions entre les muscles et les forces qui s’exercent sur ces articulations. Cela permet par la suite de travailler sur un équilibre global des chaînes musculaires. On va soulager les chaines trop toniques et tonifier les chaînes qui ne le sont pas assez.

TF : Quels sont les principales typologies décrites dans la méthode de kinésithérapie GDS?

OD : Ces typologies peuvent varier selon les courants de kinésithérapie. Chacun par ses observations en a déduit une logique qui se répète. Dans la méthode GDS, on décrit 6 grands types de postures en fonction des chaînes musculaires prédominantes :

La première est appelée Antéro-Médiane : il s’agit d’une posture dans laquelle les muscles centraux et antérieurs ont un excès d’activité, ce qui entraine une posture particulière : les muscles abdominaux antérieurs se contractent, la distance entre le bassin et le thorax se raccourcit, le dos a tendance à s’enrouler. En conséquence, les muscles para-vertébraux se contractent pour essayer de récupérer une position correcte. Souvent ils n’y arrivent pas. Les patients viennent donc souvent pour des problèmes de dos. La kinésithérapie classique propose de soulager uniquement les muscles douloureux. Cela pose un problème puisque si on les détend, on donne encore plus de potentiel de force aux muscles antérieurs. Paradoxalement, le déséquilibre est renforcé.

Avec la méthode de kinésithérapie GDS, on va plutôt travailler à l’inverse : on détend aussi les muscles postérieurs, mais après avoir d’abord relâché et étiréles muscles antérieurs. Cela permet ensuite d’intervenir ensuite plus sereinement sur les muscles postérieurs.

Cette idée de travailler d’abord à distance de la douleur dans la kinésithérapie GDS, va s’appliquer à tous les autres types de postures: Postéro-Médiane, Antéro-Latérale avec sa chaine opposée, Postéro-Latérale.

On peut aussi rapprocher ces typologies de l’aspect psychologique. C’est une attitude qui peut être émotionnelle. Même si évidemment ce n’est pas le principal facteur, il est à prendre en compte. Par exemple, une personne stressée et en retrait ne se tiendra pas de la même façon que si elle doit véhiculer un message, se mettre en avant.

La posture Antéro-Latérale est apparentée à une chaine du repli sur soi : les muscles ont tendance à venir enrouler le segment, les épaules, les hanches, les cuisses se resserrent et les genoux se touchent. Cela peut faire penser à une personnalité introvertie.

À l’inverse la Postéro-Latérale représente l’extraversion, avec des segments plus ouverts.

Les deux dernières typologies de la kinésithérapie GDS , les chaines Postéro-Antérieure et Antéro-Postérieure sont plutôt liées à la verticalité. La Postéro-Antérieure favorisant un rachis érigé (trop dans un excès de travail, car gommant les courbures vertébrales), L’Antéro-Postérieure ayant plutôt une tendance à tasser le sujet le long d’un axe vertical, pouvant faire penser à l’attitude asthénique de l’adolescent. Le sujet apparaît ondulant (un exemple connu de tous : le personnage Gaston Lagaffe).

Pour conclure : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise typologie. Chacune a ses spécificités. Elles sont nuisibles en excès ou en carence car sources de déséquilibre, mais toutes vont participer à la constitution de notre posture.

TF : En quoi la connaissance de ces postures de kinésithérapie GDS peut être utile à un éducateur sportif?

OD : L’éducateur sportif, de par son action auprès des sportifs a tout intérêt à savoir observer et reconnaître des asymétries, des excès ou des carences au niveau de ces chaînes. Il pourra alors stimuler lors de l’entrainement les éventuelles carences ou diminuer les excès lors du retour au calme. Cette connaissance des postures peut aussi l’aider à comprendre les points forts et bien sûr les points faibles des sportifs qu’il/elle encadre. Ceci lui permettra également de mieux s’adapter à son élève, car il y a à mon sens une interaction indispensable sportif-entraineur, cette relation ne devant pas se faire en sens unique mais par une écoute mutuelle.

TF : Certaines postures favorisent-elles la performance sportive plus que d’autres?

OD : Non. Il existe d’excellents sportifs dans chaque typologie. Si vous regardez des joueurs de tennis, il n’y a pas deux joueurs qui servent de la même façon : les séquences de contractions musculaires ne sont pas tout à fait les mêmes, les articulations n’ont pas les mêmes degrés de liberté ou les mêmes quantités de mouvement possible. L’élasticité sera accentuée sur certains muscles plutôt que sur d’autres selon les joueur(ses). Cela ne dérange en rien l’efficacité des services. L’important est que les chaînes musculaires soient en bonne harmonie entre elles afin d’éviter les blessures.

TF : Les personnes ont tendance à prendre rendez-vous chez le kinésithérapeute une fois que le mal est déclaré. Quel est l’intérêt de prendre des séances en prévention, notamment chez le sportif?

OD : La kinésithérapie ne doit pas être seulement curative mais évidemment préventive. Le problème est qu’il est toujours difficile de préjuger totalement de l’évolution future d’un patient. C’est une question de mesure des risques. Il est cependant évident que selon certaines façons de se tenir, certains gestes répétitifs, on a quand même une certaine capacité de prédiction. C’est ce que je trouve intéressant dans mon métier : détecter les possibles pathologies à venir, et tout faire pour qu’elles ne deviennent pas problématiques. C’est d’autant plus valable pour des sportifs dont le corps est le premier outil. Le corps doit être en bon état de fonctionnement avec peu de risques de lésions.

TF : Il est d’autant plus important pour un sportif de connaître sa propre physiologie

OD : Selon moi c’est indispensable. Un sportif a besoin de connaître ses limites pour pouvoir mieux les franchir mais il entre alors dans une zone de lésions possibles. Plus un sportif connaît la mécanique de son corps, plus il pourra être vigilant aux risques dans sa gestuelle.

TF : Pouvez-vous nous rappeler les principales zones à surveiller pour un joueur ou une joueuse de tennis?

OD : Il y a d’abord les pathologies des membres supérieurs dominants, au niveau du coude avec les importances de prono-supination. Il faut également surveiller les articulations importantes comme le genou, l’épaule ou la hanche.

Il s’agit pour le masseur-kinésithérapeute de vérifier la position statique naturelle de ces articulations pour savoir s’il y a des risques de lésions sur certains muscles. La deuxième étape est de corréler le statique et le dynamique. C’est complexe car il faut bien décomposer le mouvement.

Le tennis fait appel à de grandes torsions du buste. La colonne vertébrale est donc à surveiller. Le problème du tennisman, comme dans tous les sports asymétrique, est qu’un membre dominant prenne le dessus sur les autres. Il suffit d’observer l’avant-bras de Nadal. La prédominance du coup droit dans le tennis moderne est évidemment liée à certaines asymétries.

L’idée ici est de réussir à les équilibrer, notamment lors des exercices de musculation. De plus chez les joueurs(ses) de tennis, certains muscles travaillent beaucoup plus que d’autre. Cela varie selon les types de postures naturelles. C’est là que le masseur-kinésithérapeute doit intervenir afin d’avoir une lecture globale des muscles utilisés.

TF : Comment un entraineur doit se positionner vis-à-vis d’un kinésithérapeute ?

OD : Evidemment, plus il y a d’échanges entre le staff d’un joueur et le masseur-kinésithérapeute, mieux c’est. L’entraineur comme le kinésithérapeute va agir sur la partie musculaire et mécanique, il est donc indispensable que les actions de ces deux protagonistes soient dirigées vers un même objectif et n’interfèrent pas entre elles. Le kinésithérapeute doit être placé à côté de l’entraineur, pour optimiser au mieux cette mécanique du corps. Mais il faut y associer l’aspect psychologique qui lui aussi est primordial. L’entraineur et le kinésithérapeute ont en commun de devoir, assurer la prévention du joueur.

TF : L’étirement est un outil classique de la prévention. Les avis sont contradictoires à leur sujet, qu’en pensez-vous?

OD : Je préfère les voir faits de façon active avant une activité physique pour préparer le muscle à l’effort qui lui sera demandé et limiter le risque de micro-rupture musculaire. Ils sont aussi très importants après l’activité où leur objectif sera d’avantage de récupérer l’élasticité musculaire et de drainer par pompage circulatoire les excès d’acide lactique. Ils peuvent donc être réalisés en actif ou en passif après l’activité physique où ils auront plutôt un but de relâchement. Après une activité physique, les muscles sont contractés et ont puisés dans leur réserve en glycogène. Suivant les activités, ils auront produit plus ou moins d’acide lactique. Ils ont donc diminué leur élasticité, leur extensibilité. Il est important de s‘étirer pour ne pas accumuler de la raideur au fur et à mesure des entrainements. Ces étirements doivent être réalisés avant que les muscles ne se refroidissent mais devront être répétés à froid pour entretenir l’élasticité qui aura malgré tout tendance à diminuer. Si les muscles conservent les séquelles des efforts, cela augmente le risque de blessures.

Il est important que le sportif soit aussi à l’écoute de son corps et qu’il s’étire lorsqu’il en ressent le besoin. Les informations que nous donne notre corps sont souvent les bonnes. Il est important que chacun développe une autonomie pour prendre soin de son corps.

En résumé, on peux considérer 3 temps :

  1. Avant l’activité, je préconiserais des contractions statiques en course externe afin de chauffer le muscle tout en travaillant son élasticité.
  2. Juste après l’effort, des étirements doux associés à un travail respiratoire où l’on se concentre pour relâcher le muscle pendant la phase expiratoire, on se place dans une amplitude qui ne doit pas déclencher de douleur donc en dessous de l’extensibilite maximum afin de ne pas augmenter les micro ruptures éventuelles mais pour tout de mêle relâcher le muscle et drainer un excès d’acide lactique.
  3. À distance de l’effort, on va par des techniques de contracter-relâcher essayer de se placer au maximum des amplitudes possibles pour redonner toute leur l’élasticité aux muscles.

TF : Pouvez-vous nous dire un mot sur l’importance des contractions musculaires en chaines croisées, notamment au tennis ?

OD : Les chaines croisées sont activées au cours de l’action du corps, avec des contractions qui vont du bout de la main droite jusqu’aux orteils du pied gauche. Au tennis, elles sont encore plus importantes car ce sont des chaines de la torsion. Elles vont permettre la transmission des forces, améliorer la quantité de mouvement et augmenter la vitesse que le joueur de tennis va mettre dans sa balle. Elles vont donc être fortement sollicitées, créant de fortes tensions asymétriques, importantes à dénouer après l’activité car régulièrement répétées.

TF : Vers quoi doit tendre l’échauffement spécifique d’une joueuse ou d’un joueur de tennis?

Il faut avant tout s’adapter à chaque style de joueur(se).

D’un point de vue biomécanique le tennis a certaines spécificités. Un joueur comme Nadal est significatif. C’est un joueur qui met énormément de lift du fait de sa prise fermée, ce qui entraine de grosses contraintes au niveau du coude et de l’épaule, avec de gros bras de levier. L’utilisation du poignet est également importante. Si on rentre dans les détails, il sollicite grandement ses pronateurs et son fléchisseur ulnaire du carpe sur une contraction concentrique, mais aussi son extenseur ulnaire du carpe lors de la fin du geste qu’il va freiner en excentrique, ce qui augmente les risques de lésions de ces tendons au niveau du poignet et de provoquer une instabilité de cette articulation. Ce type de joueur a forcément d’importants risques de blessures. Le travail spécifique de tous les muscles mis en jeu, que ce soit en échauffement et en étirement me paraît tout à fait primordial. Les risques sont musculaires, tendineux et ligamentaires.

Comme je l’ai précisé précédemment, l’entraineur doit être capable, conjointement avec le masseur-kinésithérapeute, de connaître correctement les caractéristiques biomécaniques de son athlète. Chaque sportif va avoir des besoins différents en terme d’échauffement. Il est très important de s’y adapter spécifiquement.

TF : Très bien. Merci Olivier d’avoir partagé votre expérience de la méthode de kinésithérapie GDS et de nous avoir fait découvrir son intérêt pour le sportif et l’entraineur.

OD : C’était un plaisir, merci à vous.

Olivier Dautigny intervient auprès des éducateurs sportifs en formation DES JEPS Tennis Ile-de-France.

– Site de la méthode AP GDS
Site de la méthode Mézières


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3 Comments on “La kinésithérapie GDS et la prévention en sport”

  1. massages

    Merci pour cette petite interview. Si je comprends bien la kinésithérapie est un élément important à intégrer dans un plan sportif d’autant plus que cette méthode demande un suivi par un professionnel.

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